Ahmed est là. Ahmed qui débrouille toutes les embrouilles. Comme autrefois Scapin et ses fourberies. Dont la pièce d’Alain Badiou reprend le canevas, les péripéties, les coups de bâton (même s’ils ressemblent davantage à des barres à mine) et les quiproquos. Elle n’en est pas une version avec des habits modernes et un discours qui serait celui du dix-septième siècle. Non, Alain Badiou a écrit de nouveaux dialogues, inventé d’autres personnages et frappé de plein fouet dans la société d’aujourd’hui.
« Tout ceux qui sont ici sont d’ici. Celui qui vit ici, qu’on lui fiche la paix. Un pays, celui-là ou un autre, se compose des gens qui y vivent. C’est tout ». Cette phrase d’Ahmed résume à elle seule le propos de notre spectacle.
La fable est simple : Fenda, belle ouvrière africaine sans papiers, va être mise à la porte du pays. Alexandre, jeune terroriste du groupe Passion Oblique, va être découvert.
Ahmed, sage parmi les sages, mariole parmi les marioles, va débrouiller toutes ces histoires, il mettra le petit monde politique de Sarges-Ies-Corneilles cul par dessus tête et sauvera l’amour : Fenda restera en Europe, Alexandre dévoilera son vrai visage.
Ahmed nous enseigne les vertus de la farce comme moyen de démystification du pouvoir et de leurs représentants. Et il rit tout son saoul, parce que le rire est la plus belle utopie de l’homme, sa façon la plus virulente de narguer l’éternité.
Ce qui m’intéresse au théâtre, ce sont essentiellement les textes qui, d’une manière ou d’une autre, parlent de « Comment vivre ensemble ? ». Ou encore, comment une question universelle s’inscrit dans notre actualité immédiate : l’immigration, les sans papiers.
Une phrase de Piscator guide mon travail
« Il ne suffit pas, pourtant, de montrer l’homme prisonnier de l’histoire, écrasé par elle. Ce que Piscator exige du Théâtre, c’est qu’il montre non seulement l’homme aliéné, mais aussi le chemin de sa prise de conscience et de sa libération. En un 1not, le théâtre doit montrer l’homme capable de prendre désormais en main son destin ».
Ahmed, par la seule force de son langage, nous montre comment projeter nos utopies dans la réalité. « Tout ceux qui sont ici sont d’ici! » Entre le pays où l’on naît et le pays où l’on meurt, nous sommes tous des immigrés du pays que l’on désire.
Christine Delmotte
Production
Création de la Compagnie Biloxi 48 / le théâtre de la Place
Avec l’aide du Centre des Arts Scéniques et de Théâtre & Publics.
Distribution
Texte : Alain Badiou
Avec : Ben Hamidou, Eddy Letexier, Nicole Oliver, Carole Umulinga Karemera, Jean-Michel Balthazar, François Sikivie, Hélène Gailly, Jean-Claude Derudder et Denis M’Punga
Mise en scène : Christine DELMOTTE
Assistante à la mise en scène : Rosario Marmol-Perez
Scénographie : Vincent Lemaire
Costumes : Greta Goiris
Création des maquillages : Dominique Brevers
Son et espace sonore : François Joinville
Création des éclairages : Nathalie Borlée
Travail rythmique : Denis M’Punga
Accessoires : Marie-Claire Dardenne
Stagiaires : Antonella Luparello et Valérie Vanderstapen
Dates de création
Du 22 au 31 octobre 1998
Théâtre de la place à Liège